50 ans après le droit de vote pour les femmes, l’égalité a-t-elle atteint nos cîmes ?

Il y a 50 ans, le 7 février 1971, les femmes obtenaient (enfin !) le droit de vote et d’éligibilité en Suisse.
Quel rapport avec la montagne me direz vous ?
 
La pratique de la montagne est un reflet, parmi d’autres (tels que la manière dont nous manions notre langue)  de notre société.
Réfléchissez à votre dernière nuitée en cabane : quel était le pourcentage de femmes ?
Et le lendemain, combien étaient « en tête » ?
 
Il faut dire qu’on revient de loin…
Lorsque Henriette d’Angeville gravit le Mont Blanc, en 1838, le journal « Le Fédéral » annonce
«Notre orgueilleux Mont-Blanc doit se sentir humilié comme jamais. Mardi 4 septembre, à 1h25, il a vu sa cime foulée par le pied d’une femme.»
 
Notre bon vieux Club Alpin Suisse a tout de même attendu 117 ans avant d’intégrer les femmes, en 1979 !
Lesdites femmes n’ont heureusement pas attendu le bon vouloir de ces messieurs du CAS pour créer leur propre club en 1918, le CSFA 🙂
 

Mais le changement est en cours !
Les femmes sont nombreuses dans l’histoire de l’alpinisme !

Yvette Vaucher a formé une cordée d’une efficacité redoutable dans la moisson de grosses courses avec son mari Michel dans les années 60-70 (face nord du Cervin, face nord de la Dent Blanche, Badile, Drus, Big Jo’, etc.).

Catherine Destivelle fait très fort dans les années 90 ! Solos dans les 3 faces nord (Eiger, Cervin, Jorasses) et aux Drus, et une bonne grosse carrière de grimpeuse et d’alpiniste.

Au chapitre des grosses râclées administrées par ces dames, impossible de ne pas penser à Lynn Hill  qui libère les fameux passages du Great Roof et de Changing Corner au Nose (El Capitan, Yosémite) en 1993 !
À ce sujet, ne manquez pas l’excellent film « Valley Uprising » sur l’histoire de la grimpe au Yosémite !

En 1986, Nicole Niquille devient la première femme guide de haute montagne de Suisse (pour la petite histoire, pour l’examen de sauvetage en crevasse Nicole Niquille a du remonter le participant le plus lourd du cours… Coïncidence ?)

En 2019, Rita Christen, juriste et guide de montagne de Disentis (Grisons) devient la première femme à présider l’Association Suisse des Guides de Montagne (ASGM).

Et il y en a tant d’autres, connues ou non, « mutantes » ou non, qui ont fait avancer les choses !

Lynn Hill dans le Great Roof en 1994

Et maintenant ?
Même si le sujet est passionnant, le volet historique des femmes en montagne n’est pas le but principal de ce petit article.

En cet anniversaire des 50 ans du droit de vote et d’éligibilité des femmes en Suisse, je trouve intéressant de nous pencher sur l’état actuel des choses et ce que nous pourrions changer dans nos pratiques.

Y a-t-il encore une inégalité hommes/femmes en montagne ?
De toute évidence oui !
N’étant pas une femme moi-même, je ne peux pas ressentir les choses aussi directement, mais le fait de partager la majorité de mes sorties depuis une quinzaine d’années avec une femme (extraordinaire qui plus est !) m’a permis de constater deux ou trois choses !

  • Premièrement, le nombre de pratiquantes féminines est largement inférieur au nombre d’hommes. Spécialement en alpinisme et en cascade de glace (en escalade et en ski de rando ça va mieux, et la progression est impressionante ces dernières années).
  • Deuxièmement, il est rare de voir une femme en position de leader (guide de montagne, première de cordée).
  • Troisièmement, voir une femme mener une course, ou gravir un itinéraire difficile (même en second) provoque bien souvent de l’étonnement.

Et alors, c’est grave ?
Oui et non. Atteindre la parité parfaite en montagne ne changera pas la face du monde, et grimper en seconde de cordée derrière un homme ne doit pas être un problème, loin de là !

Ce qui me paraît plus problématique c’est l’impression de normalité qui règne là-autour !
Une femme derrière c’est normal, une femme devant ça surprend. Pourquoi ?
Un groupe d’hommes avec une femme c’est normal, un groupe de femmes avec un homme ça étonne (ou on part du principe que c’est leur guide, automatiquement !). Pourquoi ?

Alors qu’est-ce qu’on fait ?
Je pense que le fait d’en parler et d’en prendre conscience est déjà une bonne chose.
Un des marqueurs les plus répandus du patriarcat est le fait de voir des hommes parler à la place des femmes, ce que je fais un peu dans cet article ! L’enfer est pavé de bonnes intentions 😉

J’ai aussi le sentiment que le machisme ordinaire n’est pas désiré par les hommes de manière générale, mais plutôt qu’il est le fruit de décennies de conditionnement que nous reproduisons (les femmes comme les hommes d’ailleurs) souvent bien malgré nous !
Il nous reste encore pas mal de schémas a déconstruire !

Confions le lead de la course a la personne la plus motivée, ou la plus compétente, peu importe son genre.
Discutons de la technique de la grimpeuse plutôt que de la taille de ses épaules.
Arrêtons de considérer les hommes comme des rocs indestructibles et les femmes comme des petites choses fragiles.

Le changement passe aussi par la montagne, à nous toutes et tous d’observer et modifier nos comportements !
Merci Mesdames d’être de plus en plus nombreuses à faire de la montagne, votre présence est tellement importante et positive !

Mesdames, n’hésitez-pas à réagir. Votre avis et vos idées pour nous aider à faire mieux à l’avenir sont les bienvenues !
(accord de proximité, changeons aussi nos mots pour mieux lutter contre nos maux !)

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